Elle n'est pas morte ! (1886, E. Pottier)
- dédiée aux survivants de la semaine sanglante.
On l'a tuée à coups d'chassepot,
A coups de mitrailleuse,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse.
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.
Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
Comme faucheurs rasant un pré,
Comme on abat des pommes,
Les Versaillais ont massacré
Pour le moins cent mille hommes.
Et ces cent mille assassinats
Voyez c'que ça rapporte.
Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
On a bien fusillé Varlin,
Flourens, Duval, Millière,
Ferré, Rigault, Tony Moilin,
Gavé le cimetière.
On croyait lui couper les bras
Et lui vider l'aorte.
Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
Ils ont fait acte de bandits,
Comptant sur le silence,
Ach'vé les blessés dans leurs lits,
Dans leurs lits d'ambulance.
Et le sang inondant les draps
Ruisselait sous la porte.
Tout ça n'empêch'pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
Les journalistes policiers,
Marchands de calomnies,
Ont répandu sur nos charniers
Leurs flots d'ignominies
Les Maxim'Ducamp, les Dumas,
Ont vomi leur eau-forte.
Tout ça n'empêch'pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
C 'est la hache de Damoclès,
Qui plane sur leurs têtes.
A l'enterr'ment de Vallès,
Ils en étaient tous bêtes.
Fait est qu'on était un fier tas
A lui servir d'escorte !
C' qui vous prouve en tout cas, Nicolas
Qu'la Commune n'est pas morte !
Bref, tout ça prouve aux combattants
Qu'Marianne a la peau brune,
Du chien dans l'ventre et qu'il est temps
D'crier : Vive la Commune !
Et ça prouve à tous les Judas
Qu'si ça marche de la sorte,
Ils sentiront dans peu, Nom de Dieu !
Qu'la Commune n'est pas morte !